CH Journalisten immer noch Relief Skeptisch
(Par Jérôme Holzer, AWP)
Zurich (awp) - Alors que les poids lourds pharmaceutiques helvétiques se voient confinés à des rôles de support pour le développement de traitements contre la Covid-19, la pandémie offre l'occasion à une poignée de sociétés d'envergure bien plus modeste de s'inviter aux avant-postes.
Inconnu du grand public jusqu'alors, le laboratoire Molecular Partners a crevé l'écran en août dernier lorsque la Confédération a pris des options sur un médicament expérimental, susceptible à la fois de traiter et de prévenir une infection virale.
"La pandémie étant survenue de manière inattendue, les laboratoires ont dû dans un premier temps se contenter d'examiner une éventuelle efficacité de produits déjà développés", explique Olav Zilian, analyste chez Mirabaud.
Tentatives infructueuses
Ce passage en revue des bibliothèques de licences n'aura pour l'heure guère souri aux géants rhénans. Novartis a déploré début novembre n'avoir pas concrétisé le critère primaire d'une étude avancée sur le canakinumab, contre les surréactions immunitaires attribuées à la maladie. Mi-décembre, l'échec avec le ruxolitinib signait la fin des recherches menées en propre par le laboratoire bâlois.
Roche a reconnu dès fin juin n'avoir pas observé les effets désirés pour son anti-inflammatoire tocilizumab, commercialisé sous les appellations Actemra et Roactemra.
"Le développement de traitements antiviraux nécessite des années de recherche, et si la pandémie avait été de nature grippale - comme cela semblait le plus probable à l'époque - Roche aurait pu se retrouver en pointe de la réponse pharmaceutique avec son nouveau Xofluza", imagine M. Zilian.
Pratiquement hors course pour le développement de produits maison, les deux béhémoths pharmaceutiques bâlois ont quelque peu abandonné les feux de la rampe à une multitude de petits acteurs locaux.
Jusqu'alors moribonde, la société genevoise Relief Therapeutics a ainsi redéployé dès le mois de mars son aviptadil - commercialisé en Europe depuis une vingtaine d'années contre des dysfonctions érectiles en combinaison avec de la phentolamine - contre la Covid-19, confiant le volet clinique au laboratoire pennsylvanien Neurorx.
Entre promesses et espoirs
La résurrection d'une firme à l'agonie depuis des années, de même qu'une campagne de communication pour le moins proactive, ont toutefois fait naître des doutes quant à la portée des résultats obtenus.
"Il existe une chance que le produit de Relief apporte un bénéfice aux patients dans le cadre du Covid-19, mais il me semble hautement improbable que celui-ci soit aussi important que ce qui a été annoncé à l'issue des recherches menées en 'open label'", insiste l'analyste de Mirabaud.
Etudiés en partenariat avec l'Office fédéral de la protection de la population (Ofpp), les Darpins de Molecular Partners soulèvent moins de circonspection. "La pandémie a fourni à Molecular Partners une opportunité de démontrer qu'ils pouvaient aussi déployer leurs Darpins pour neutraliser des virus", souligne M. Zilian.
Si les traitements expérimentaux anti-Covid-19 de Relief et de Molecular Partners constituent à ce jour les programmes les plus en vue dans le paysage pharmaceutique local, la place helvétique bruisse également de nombreuses initiatives lancées par des petits acteurs.
"La recherche académique a changé de positionnement, avec l'émergence de chercheurs-entrepreneurs qui n'hésitent plus à lancer des sociétés après avoir découvert de nouveaux mécanismes d'action ou de nouvelles molécules", explique Bartlomiej Szabat-Iriaka, d'Edmond de Rothschild.
"La recherche demande des investissements majeurs et un savoir-faire important en matière de développement, puis des processus d'approbation ou encore de distribution, pour lesquels les grands acteurs du secteur sont absolument nécessaires", complète sa consoeur Adeline Salat-Baroux.
Jeunes pousses en quête de tuteurs
Le tout jeune laboratoire zurichois Memo Therapeutics avait ainsi confié début décembre à AWP être à la recherche d'un partenaire pour accompagner le développement de son anticorps MTX-Covab, ne disposant pas des effectifs ou des moyens pour faire évoluer ce traitement expérimental au-delà d'une introduction en phase clinique.
Les acteurs établis jouissent encore d'un atout de poids face aux nouveaux venus: une relation de confiance construite avec les régulateurs sur la durée. "Le handicap pour Molecular Partners par rapport aux anticorps de Regeneron, par exemple, est que leurs Darpins n'ont encore jamais été homologués", illustre M. Zilian.
Dans ce contexte, les mastodontes du secteur ont eu beau jeu de sélectionner les projets qu'ils souhaitaient soutenir. Roche a jeté son dévolu sur le cocktail d'anticorps de l'américain Regeneron et sur l'antiviral oral du compatriote de ce dernier, Atea Pharmaceuticals. La multinationale conserve de surcroît un positionnement avantageux sur la franchise contre le coronavirus, ne serait-ce qu'avec sa généreuse panoplie de tests de dépistage en tous genres.
Novartis, lui, s'est invité dans le programme de Molecular Partners.
jh/buc